Au Danemark le bonheur au travail possède son propre mot, arbedjdsglaede, une indication de l’importance du sujet pour ses citoyens. Mais avant de s’immiscer dans le monde professionnel, attardons-nous sur certaines valeurs qui façonnent la société danoise et favorisent sans doute son statut privilégié de « pays heureux ». Soulignons d’abord la confiance en l’autre et en la société. De cette confiance découle la bienveillance, une valeur largement encouragée dès la petite enfance au Danemark. La liberté d’être soi est également enseignée très tôt aux jeunes danois, ils sont éveillés à développer leur propre personnalité et leurs qualités. On leur apprend à se comprendre, à comprendre, à respecter les autres et à faire preuve de modestie. Enfin la notion de collectif est essentielle. Chacun assume sa part de responsabilité et trouve normal de payer autant d’impôts (autour de 60% dès 52 000 euros de revenus). Partager rendrait heureux si on a confiance aux autres, c’est à dire en l’Etat, son gouvernement et ses citoyens.
Un équilibre entre vie privée et vie professionnelle satisfaisant
Selon l’OCDE, le Danemark est le pays qui est parvenu à instaurer le meilleur équilibre entre le temps passé au travail et la sphère privée (la France est à la 14ème place). Comment ? Grâce à une grande flexibilité horaire chez les salariés et à un télétravail plus répandu. Les salariés peuvent jongler plus facilement avec les exigences personnelles comme l’éducation des enfants ou les rendez-vous médicaux. Les rôles sont d’ailleurs plus équilibrés au sein des couples (congé parental inclus). En entreprise, cet équilibre attire des talents et favorise leur épanouissement. Ils sont de facto plus efficaces et fidèles.
L’épanouissement avant l’argent
Les danois ont tendance à privilégier une profession dans laquelle ils sont susceptibles de s’accomplir plutôt que de courir après le meilleur salaire. Certaines professions manuelles, parfois peu valorisées en France seront appréciées différemment au Danemark, notamment en raison de leur caractère utile au bon fonctionnement de la société. Il faut dire aussi que le haut niveau d’impôts atténue fortement l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Certains pourraient y voir un frein vers l’excellence et l’ambition. D’autres voient dans cette ligne de conduite un moyen d’éviter la quête du « toujours plus », source de frustration et frein au bonheur.
Le développement de soi supplante la « course à l’élite »
Les enfants danois sont amenés à développer leur esprit critique, leur sens de l’initiative et leur plasticité, des qualités hautement recherchées aujourd’hui dans le monde professionnel. Ils ont créé dans ce but « Efterskole » et « Højskole», deux concepts d’éducation sans équivalence en France. L’objectif est leur réalisation personnelle, c’est-à-dire qu’ils prennent confiance et conscience de leurs propres compétences et personnalités. C’est un moyen de leur permettre de trouver leur place et leur utilité dans la société danoise.
Exit le présentéisme
Au Danemark, on pense « résultats » avant « horaires ». Rester au bureau tard peut-être mal vu. On remettra en cause les qualités d’organisation du salarié plutôt que de flatter son dévouement. Selon une étude de l’OCDE un danois passerait en moyenne 31% de son temps au travail soit moins de 8 heures par jour. Seulement 2% des danois auraient des journées considérées comme plus longues que la moyenne (contre 9% pour les pays de l’OCDE). Car si officiellement la semaine de travail est de 37 heures, la plupart des danois travailleraient moins avec pour conséquence une meilleure productivité qu’en France selon les chiffres de l’OCDE de 2016.
Quid des postes à responsabilités ?
Sans surprise, l’étude Lederne (2) démontre que le niveau de responsabilité a un impact sur cet équilibre. Six cadres danois sur dix avouent être contraints de travailler parfois le soir et le week-end. Cela dit une majorité d’entre eux s’estiment maîtres de leur organisation de travail : 8 sur 10 déclarent se sentir libres d’organiser des rendez-vous médicaux dans la journée par exemple. Au total 85% des sondés estiment être très satisfaits de leurs conditions de travail et deux tiers de leur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Pour le tiers restant, ils disent réfléchir à changer de travail. Et c’est là que rentre en jeu la flexisécurité danoise. En effet leurs méthodes d’embauche et de licenciement sont souples et leurs indemnités chômages généreuses. De plus la conversion professionnelle est facilitée. Les danois envisagent donc facilement de changer de travail s’ils ne sont pas assez satisfaits.
Le vélo, grands favoris des trajets quotidiens
Les trajets auraient également un poids significatif sur le chemin vers le bonheur au travail. Encore une fois, les danois sont parmi les meilleurs avec un temps moyen de 27 minutes de transport pour se rendre et revenir de leur lieu de travail (38 minutes dans les pays de l’OCDE et jusqu’à 1h24 en moyenne par jour pour les travailleurs franciliens !(3). Moins polluant, moins oppressant, bénéfique pour notre santé et la collectivité, le vélo est leur moyen de transport préféré. Pratique, il évite le stress des embouteillages ou des places de stationnement… Et même les politiques pédalent : 63% des députés danois viennent travailler à « Christianborg » (siège du parlement danois) à vélo.